Les œuvres en béton de David Umemoto se présentent comme des études sur les volumes. À la jonction de la sculpture et de l’architecture, ces pièces miniatures évoquent des bâtiments temporaires ou des monuments dressés sur des terres lointaines. Les images qui viennent à l’esprit devant ces œuvres sont multiples. Elles renvoient toutes à ce qui est archaïque et éphémère, malgré le caractère solide et moderne du médium. Apparaissent ainsi devant nos yeux des habitations rocheuses précolombiennes, des idoles des Andes ou de l’île de Pâques, des stèles rongées par les intempéries, des restes de villes modernes ayant survécu à un cataclysme, des fragments de cités babyloniennes, des établissements coloniaux ramenés à leurs fondations, des cénotaphes abandonnés au fond de la jungle…
La production des œuvres de David Umemoto suit un processus de transformation lente et silencieuse. Le travail de création cherche à imiter les cycles de la nature, cycles d’érosion et de recréation. Les contours bougent, changent. Ils se trouvent dans un état de mutation perpétuelle causé par l’action du temps et des intempéries. Les architectures naturelles offertes par les strates géologiques ou par les cristaux agissent comme des modèles. Elles inspirent la conception des moules dans lesquels le béton est coulé. Le caractère ductile et infiniment adaptatif du matériau permet de produire des objets à la fois semblables et différents. L’élaboration des œuvres est réfléchie et itérative, mais elle laisse également place à l’improvisation, à l’adaptation et à l’inspiration spontanée. Les formes créées par Umemoto s’alignent en des suites de variations combinatoires. Chaque œuvre présente un visage différent, mais ces visages appartiennent à une même lignée. Cette parenté confère une forte unité à la production d’Umemoto et permet d’aborder le thème de la transformation à travers la durée et la tradition.
Toutes les pièces d’Umemoto sont faites à la main, dans un désir de s’en tenir à une économie de moyens. La pression de la modernité impose à l’être humain une obligation de progrès constant, ce qui le conduit dans une course sans fin vers l’évolution technologique. En tant qu’artiste, Umemoto réagit en prenant un pas de recul. Son activité manuelle relève d’un désir d’épuration de la pratique artistique. L’esthétique et le formalisme s’allient ici à un engagement envers la simplification. Optant pour le low tech, l’artiste veut résister aux exigences du progrès. Il crée des pièces structurées et modulaires, mais qui ne se joignent jamais à la perfection les unes aux autres, résultat de leur mode de production volontairement imparfait.
L’art d’Umemoto est ancré dans l’américanité : ses créations variées s’inspirent d’un désir de fonder des établissements et de coloniser des terres vierges, où la nature risque sans cesse de reprendre ses droits. En voyant ses sculptures architecturales, on pense au complexe moderniste de Brasilia par Niemeyer, perdu dans la jungle amazonienne, ou à celui de Chandigarh par Le Corbusier, au cœur de l’Inde. Les murs qui se dressent vers nulle part, les courbes qui se heurtent à des plafonds et les escaliers qui débouchent sur le vide peuvent également faire penser aux énigmatiques Prisons du Piranèse. D’une manière ou d’une autre, il s’agit toujours d’un art où l’imagination se met au service d’une rigueur contemplative.